Paracha Chémot
« Sa sœur se tint à distance pour observer ce qui lui arriverait …» (Chémot 2,3)
Nous vivons une époque où nous sommes submergés par l’information en provenance du monde entier, et nous y gaspillons énormément de temps, même si, au final, cela ne nous apporte pas grand chose. A tel point que de nombreux employés et commerçants tentent de s’imposer des limitations pour éviter d’être attirés par les informations pendant les heures de travail.
A plus forte raison lorsqu’on s’apprête à servir le Créateur du monde, il faudra déployer tous les efforts possibles pour éliminer tout ce qui est susceptible de nous perturber.
C’est en particulier le cas lorsqu’arrive l’heure de la prière, élément central du service divin, contre lequel le Satan se déchaîne au maximum afin que les Juifs ne prient pas convenablement. Comme nos Sages l’ont dit (Brakhot 6b), la Téfila est une des choses les plus élevées du monde et les hommes la négligent.
On peut voir concrètement que beaucoup négligent la Téfila. Lorsque l’officiant commence la prière à voix haute pour l’assemblée, certains parlent des nouvelles, alors qu’ils prient précipitamment, en omettant la prononciation correcte, et sautent parfois des passages entiers. S’ils reçoivent un appel au milieu de la prière ou qu’un ami vient leur parler, ils n’y voient pas d’inconvénient. Ensuite, au terme du Chémona Essré, ils se hâtent de se débarrasser du Talit et des Téfilines, et semblent très pressés par le temps. Mais si l’occasion se présente de parler d’actualité, ils prennent tout leur temps, bien que cela ne leur apporte strictement rien. Tout ceci est l’œuvre du Satan pour que leur prière ne puisse s’élever et agir comme il se doit.
Lorsque deux géants en Torah périrent, le Gaon Rabbi Yéhonatan Eibeschütz zatsal fit un long éloge funèbre à Metz, qui figure dans son ouvrage Yéarot Dvach. Il reprocha alors au public de passer trop de temps à parler de la guerre qui venait d’éclater entre l’Autriche et la France, des possibles vainqueurs et perdants. « Ces propos sont appropriés à des ministres, mais nous perdons notre temps car cela ne nous concerne pas. » Il insista surtout sur le fait de ne pas parler à la synagogue au moment de la Téfila. Il rapporta alors une interprétation du verset (Ekha 3,44) : « Tu t’es entouré de nuages pour empêcher les prières de passer », à savoir que le souffle, l’haleine de celui qui parle au moment de la prière forme un nuage bloquant le passage de la prière au ciel.
Il est également rapporté dans le Zohar que chaque parole prononcée par un Juif s’élève directement vers le Ciel. Dans le ciel, on juge immédiatement s’il s’agit d’un propos pur ou non. Si c’est un propos pur, il est dirigé vers le côté de la Kédoucha, mais s’il s’agit d’une parole impure, il ira du côté du Satan. En conséquence, il est très préjudiciable, au moment de la Téfila, de proférer des propos mensongers ou autres propos inconvenants, comme parler de l’actualité.
D’après le Maguid de Mézéritch, à compter du moment où un homme se lève le matin jusqu’après la prière, il doit veiller particulièrement à son langage. Rabbi Méir de Premichlan a relaté une parabole sur ce thème : on peut cuisiner de manière exquise un plat, l’apprêter de diverses façons jusqu’à ce qu’il devienne succulent et apte à être servi à une table royale. Mais si, en revanche, on le sert dans un plat crasseux, il moisira et deviendra immangeable. De même, si un homme prononce des paroles de prière, il devra absolument se montrer vigilant sur son langage.
Mais il est souvent difficile de se reprendre dans ce domaine, en particulier lorsqu’on voit d’autres hommes en pleine conversation. Cependant, si l’on réfléchit à notre rôle dans ce monde, on ne s’interrompra pas, on ne raccourcira pas notre prière au profit de propos futiles, au contraire, on la prolongera autant que possible. De nombreux Tsadikim prolongeaient beaucoup leur prière, par exemple mon ancêtre, l’auteur du Bné Issakhar : un jour, un homme se tenait en dehors du Beth Midrach et interrogea une connaissance qui en sortait : « Où en est le Rav dans la Téfila ? » L’ami répondit : « Aux Pessouké Dézimra, à Machlikh Kare’ho Kéfitim ! » Mais son interlocuteur répéta sa question : « Machlikh », « Kare’ho » ou « Kéfitim » ? Car d’un mot à l’autre, cela lui prenait beaucoup de temps.
Nous pouvons à la lumière de ceci expliquer un passage de la Paracha sur Miriam : après avoir déposé son petit frère Moché au bord du fleuve, Miriam ne s’attarda pas pour bavarder, comme les autres jeunes filles habituées à converser au bord du fleuve, en particulier la fille de Pharaon accompagnée par les jeunes filles du palais royal. « Sa sœur se tint » : elle se tenait debout pour prier pour Moché, comme l’affirment nos Sages : lorsque la Torah mentionne un personnage « debout », cela se rapporte à la prière, qui doit essentiellement être récitée dans cette position. Et elle pria « à distance », éloignée du rivage, pour se tenir à l’écart des conversations qui s’y tenaient. Ceci, parce qu’elle cherchait « à observer ce qui lui arriverait », pour savoir ce qu’il adviendrait suite à sa prière au Maître du monde.
Et par le mérite de s’être éloignée des conversations et d’avoir prolongé la prière, Miriam a eu droit à beaucoup d’honneurs, et tout le peuple l’attendit dans le désert. De même, toute personne qui éteint son téléphone avant la prière, se tient à l’écart des bavardages et prie convenablement toute la prière du début à la fin sans interruption, verra ses prières exaucées et aura droit à une récompense dans ce monde-ci et dans le monde à venir.